Un entretien avec Hamed Bransonka-bra Ouattara dans ce nouveau numéro du Debrief, une série d'interviews réalisée par Foreign Agent.
Vous vous êtes récemment rebaptisé.
Depuis tout jeune, je me suis posé beaucoup de questions concernant mes racines. Faire ce métier d'artiste en Afrique aujourd'hui, c'est faire preuve de résistance à beaucoup de préjugés. Mon travail est le reflet de ce que ce continent a de meilleur à offrir au monde et il n'y a rien de tel que de vouloir continuer à incarner les vraies valeurs en rendant hommage à mes ancêtres, en l'occurrence mon arrière grand-père du même nom Bransonka bra qui signifie « celui qui rassemble » et cela me convient parfaitement. C'est un hommage à l'authenticité et à la lignée : un retour aux sources.
Comment avez-vous vécu la pandémie du Covid-19?
J'ai d'abord vécu la pandémie comme tout le monde et par la suite j'ai eu besoin de venir en aide à mes proches pour leur permettre de mieux se préparer. Comme à mon habitude, je réponds tout simplement présent et mène des activités de sensibilisation à travers mon réseau d'amis, notamment sur ma page Facebook ; ensuite, j'ai investi mon temps pour former des artisans dans la fabrication de masques de protection de qualité.
Ce que j'ai appris de fondamental lors de cette crise, c'est que tout peut arriver à n'importe quel moment et qu'il faut donc toujours avoir un coup d'avance sur la vie quand vous avez la chance d'être instruit et d'avoir une vue d'ensemble.
Qu'entendez-vous par résistance artistique ?
La résistance artistique, c'est tout simplement les actes et les réflexions artistiques face au désarroi que l'on peut ressentir par rapport aux crises locales et mondiales, tout en restant en Afrique à produire des œuvres pouvant contribuer à une nouvelle vision du monde. L'art est une arme de résistance imparable dès lors qu'il est un vecteur d'humanisme et un outil de construction de l'être.
Quelles sont les influences majeures dans votre vie et dans votre travail ?
Les influences ont été nombreuses, j'ai par exemple compris très tôt les possibilités qu'avait l'Occident de fabriquer des choses avec des moyens limités et de découvrir ce que l'on peut réaliser avec quasiment rien du tout : cette révélation a été pour moi un tremplin incroyable. Et depuis, je n'arrête pas de créer et de le faire savoir à tous ceux qui m'entourent, en particulier les jeunes que je forme à longueur de journée, malgré mon temps aujourd'hui limité, simplement à travers la création de recyclage que vous pouvez voir dans mon travail ici et ailleurs. Que peut-on faire de plus que ça?
Dans la vie, il faut avant tout compter sur soi-même pour relever tous les défis à sa portée et avoir de l'audace et de la patience, sans compter la chance du débutant !
Quel est votre plus grand succès ?
Je dirais que c'est d'être arrivé à poser ma marque de fabrique design dans le monde, à côté des plus grands noms de ce milieu et de réussir à faire connaître le savoir-faire de mon pays, le Burkina Faso.
Mon ambition est aussi de relever le défi que nous pose la pauvreté à travers la création d'emplois dans le cadre de mes projets et cela me remplit de joie, même si les difficultés rencontrées sont toujours présentes. Donner du travail à des jeunes à travers mon atelier de production de mobilier de recyclage de métal a été mon plus grand succès.
Votre plus grand regret ?
Mon regret principal, c'est que mes compatriotes ne soient pas encore dans cette dynamique de se reconstruire entièrement en consommant localement, d'autant que nous avons eu un grand président - Thomas Sankara - qui nous a montré le chemin: son slogan préféré était "la patrie ou la mort nous vaincrons". Mais j'ai foi que ça viendra un jour.
Parlez-nous de votre prochain projet.
Mon prochain projet est financé par une ONG qui me donne aujourd'hui l'opportunité de continuer dans ma lancée de formateur et de pouvoir développer un espace dédié à la formation de jeunes au métier d'art et plus que tout, de leur donner des raisons de croire en eux. C'est un projet sur huit hectares aux abords de Ouagadougou qui offrira toute une infrastructure pour accueillir des artistes en résidence, un atelier et même un amphithéâtre qui donnera la possibilité aux artistes de s'exprimer et à cette communauté de de se prendre en charge : une première au Burkina Faso. Ils me font l'honneur de m'occuper de la conception de l'atelier et d'y lancer prochainement des objets avec ma signature afin de promouvoir le centre, et plus encore de pouvoir gérer le département Art.
Un objet fétiche ?
Un bic feutre ✌🏼